Le crash de l’avion sanitaire qui s’est produit le samedi 5 mai 2012 peu après le décollage de l’aéroport de Grand-Case-L’Espérance a suscité une grande émotion sur le territoire. La mort des 4 occupants du Piper Cheyenne de la compagnie T.A.I (Transports Aériens Intercaraïbes) aurait-elle pu être évitée ?
Que c’est il passé entre 23h55, heure d’appel du médecin du SAMU, venu de Fort-de-France avec un avion médicalisé de la compagnie TC Air (Taxi Caraïbes Air) basé en Martinique et affrété par I.W.I.A (International West Indies Assistance), et 2h38, heure du décollage depuis l’aéroport de Grand-Case ? Eléments de réponses avec des informations recueillies à l’époque des faits…
L’appareil en provenance de Martinique se pose à l’aéroport de Juliana dans la soirée du vendredi 4 mai, et ne peut repartir à cause d’une panne qui le cloue au sol. Selon le personnel médical du Sint Maarten Medical Center, où est hospitalisé le patient, ce dernier serait intransportable du fait de son instabilité cardiaque.
A 23h55, le médecin du SAMU, Jean-Michel Dudouit, envoyé pour le rapatriement appelle le centre opérationnel de la compagnie JetBudget, basée à Sint Maarten, et demande la mise à disposition d’un appareil pour évacuer le patient vers Fort-de-France.
Un responsable de JetBudget indique au médecin que la compagnie est sous contrat avec l’hôpital Louis-Constant Fleming, et qu’en conséquence il doit rester disponible 24h/24 pour lui. Le dirigeant de JetBudget refuse donc la demande et indique clairement au médecin d’I.W.I.A. qu’il serait préférable de placer le patient au centre hospitalier de la partie française, afin que ce dernier soit stabilisé et qu’il puisse, le cas échéant, repartir le lendemain matin.
Alertée par le médecin, la compagnie I.W.I.A., qui souhaite rapatrier le patient au plut tôt, décide d’affréter un appareil de la compagnie T.A.I.
La compagnie T.A.I. bénéficiait de soutiens
Les ambulanciers, de la partie française, qui ont transporté le malade et l’équipe médicale, confirment qu’il a fait pas moins de 5 arrêts cardiaques à bord de l’ambulance, durant le trajet entre Sint Maarten et l’aéroport de Grand-Case.
L’état du patient s’aggrave, à tel point que le médecin d’I.W.I.A. demande à ce que des médicaments lui soient fournis par le centre hospitalier Louis-Constant Fleming, qui lui concède les produits en les livrant sur le tarmac de l’aéroport de Grand-Case-L’Espérance.
Pourquoi la société d’assistance a maintenu le transfert alors que le patient aurait pu recevoir de meilleurs soins à l’hôpital de Marigot, que ceux pratiqués dans l’ambulance ?
D’autant que la compagnie aérienne T.A.I. avait vu son contrat d’évacuations sanitaires résiliés, en juin 2010, par l’hôpital, pour motif d’intérêt général. En effet, depuis de nombreuses années le personnel médical du centre hospitalier se plaignait des conditions de sécurité des appareils de la compagnie T.A.I., dénonçant « des avions poubelles ».
Soutenue par les autorités de l’avion civile locale, régionale et nationale, la compagnie T.A.I. avait fait appel de la décision de rupture de contrat devant le tribunal administratif de Basse-Terre. Le 5 janvier 2012, le juge conclura que « la T.A.I. est reconnue mettre en danger la sécurité des patients et des équipes médicales ».
Le même jour, la coordination des médecins de l’hôpital de Saint-Martin demandait à l’ARS de suspendre l’agrément sanitaire de la compagnie T.A.I. En vain, elle continuera à être autorisée à opérer des vols d’évacuations sanitaires sur d’autres îles…
Obligation de rouvrir la piste la nuit
Par ailleurs, avec quelles dérogations, et selon quelles procédures, la compagnie T.A.I. a-t-elle pu faire rouvrir la piste de Grand-Case à 2h30 ? Tout en sachant que la tour de contrôle de l’aéroport de Juliana, qui gère le trafic aérien de la zone, était fermée à ce moment-là.
Quelques temps avant l’accident, les personnels de la tour de contrôle de Grand-Case dénonçaient l’obligation, par les gestionnaires de l’aéroport de Grand-Case de rouvrir la nuit, sans réquisition de la préfecture, pour le compte de la compagnie T.A.I., alors qu’elle n’était plus sous contrat avec l’hôpital de Saint-Martin. Le gestionnaire de l’aéroport de l’époque aurait répondu, « si vous n’ouvrez pas la nuit, on diminue vos salaires ! ».
Après son décollage le pilote n’avait signalé aucune difficulté et n’avait pas émis de message de détresse. L’absence d’enregistreurs de vol n’a pas permis de préciser les circonstances de l’accident, et les causes n’ont pu être déterminées avec certitude. Cependant, l’état d’astreinte quasi-permanente des pilotes et l’exploitation en mono-pilote ont pu contribuer à l’accident, selon le B.E.A. (Bureau d’Enquêtes et d’Analyses).
Le 11 octobre 2021, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a prononcé la liquidation judiciaire de la Sarl Transports Aériens Intercaraïbes (T.A.I.).
SMBN