Dans un long article, des journalistes du New York Times viennent de publier les résultats d’une enquête qui leur a permis de découvrir que le Président Jovenel Moïse compilait, dans un document, une liste de politiciens et entrepreneurs impliqués dans le trafic de drogues, d’armes, ainsi que le blanchiment d’argent.
Un document que le défunt Président s’apprêtait à livrer aux autorités américaines, ce qui aurait entraîné son assassinat. Selon le New York Times, il avait commencé à dresser une liste de puissants politiciens et d’entrepreneurs impliqués dans le trafic de drogues en Haïti, avec l’intention de la remettre au gouvernement américain, d’après les dires de quatre hauts fonctionnaires et conseillers Haïtiens chargés de rédiger le document.
Le Président leur avait ordonné de n’épargner personne, « pas même les faiseurs de rois qui l’avaient propulsé au pouvoir », notamment l’ancien Président d’Haïti, Michel Martelly, et son beau-frère, l’entrepreneur Charles Saint-Rémy. Pour protéger leurs activités illégales, ces deux hommes, qui avaient manœuvré pour mettre Jovenel Moïse au pouvoir, ont encadré les faits et gestes du nouveau Président.
Lorsque des hommes armés ont fait irruption dans la résidence du couple présidentiel pour l’exécuter, la Première dame qui gisait au sol blessée, racontera comment les assaillants ont fouillé la pièce et dans ses dossiers. Au bout d’un moment, elle les entendra dire « c’est ça », avant qu’ils ne prennent la fuite, et sans savoir ce qu’ils avaient pris.
Lors de l’interrogatoire des tueurs qui avaient été arrêtés, ceux-ci ont avoué que leur priorité absolue était de récupérer le document sur lequel figurait une liste de noms de trafiquants de drogue présumés.
Jovenel Moïse s’apprêtait à faire le ménage
Dans les mois qui ont précédé sa mort, Jovenel Moïse avait pris des mesures pour faire le ménage dans les services douaniers de Haïti, nationaliser un port maritime connu pour des activités de contrebande et de trafic de drogue, mais aussi détruire une piste d’atterrissage utilisée par les trafiquants de drogue, et enquêter sur le lucratif commerce de l’anguille, une industrie récemment identifiée comme étant un canal de blanchiment de fonds et sur laquelle Charles Saint-Rémy avait la mainmise.
L’ancien Président Michel Martelly et son beau-frère Saint-Rémy étaient très influents au sein du gouvernement de Jovenel Moïse, et avaient leur mot à dire sur tout, depuis l’attribution des contrats publics à la nomination des membres du gouvernement, selon des fonctionnaires Haïtiens. Selon ces derniers, Jovenel Moïse ne pouvait pas choisir les membres de son propre cabinet sans l’approbation de la famille Martelly ou celle de Saint-Rémy.
Michel Martelly, qui ne pouvait se présenter deux fois de suite à la présidence, selon la Constitution, voulait trouver quelqu’un qui « lui garde la place au chaud » jusqu’à ce qu’il puisse être de nouveau candidat.
Le Président défunt était manipulé
Un proche conseiller de Jovenel Moïse, qui est décédé dans le tremblement de terre du mois d’août dernier, avait confié que « le vrai leader, ce n’était pas le Président. C’était son parrain, Martelly. Quand on dit le parrain, on parle de parrain à l’italienne ».
A tel point que Michel Martelly avait fait nommer Dimitri Hérard, son homme de confiance, comme responsable de la garde rapprochée de Moïse. Lors de l’assaut, dans la nuit du 7 juillet 2021, Dimitri Hérard avait ouvert l’accès à la résidence présidentielle aux tueurs, assurant que les hommes s’étaient présentés comme des agents de la DEA, l’agence anti-drogue américaine. Lorsque le Président avait demandé de l’aide, le responsable de la garde rapprochée n’avait pas bronché.
L’enquête sur l’assassinat de Jovenel Moïse piétine depuis des mois, et si elle n’aboutit pas, beaucoup de Haïtiens craignent de la voir s’ajouter à la montagne de crimes impunis dans le pays, confortant davantage la mainmise des réseaux criminels sur l’Etat, considère le New York Times.
SMBN