Lors de la séance du Conseil territorial qui s’est déroulée jeudi dernier, le Président Daniel Gibbs a souhaité, en préambule, faire part aux membres du Conseil présent des réflexions que lui inspirent le contexte « pour le moins étrange et troublé ».
Daniel Gibbs assure que « malheureusement, depuis presque deux mois, la situation sanitaire sur l’île de Saint-Martin s’est singulièrement dégradée », et que « la décision du gouvernement de Sint Maarten de rétablir, à partir du 31 Juillet dernier, les flux aériens en provenance des Etats-Unis, serait à l’origine, d’après les services de l’ARS, d’une augmentation substantielle du nombre de personnes atteintes du COVID-19 ».
Tout en rappelant que cette maladie est particulièrement agressive « chez nos aînés. Avec 2,2 % de personnes de plus de 75 ans, une proportion quatre fois inférieure à la moyenne nationale et à celle constatée en Guadeloupe, Saint-Martin dispose, certes, d’une structure démographique lui ayant permis, jusqu’à présent, de limiter le nombre de cas graves de Covid-19 et de décès ». Une proportion qui représente tout de même près de 800 personnes sur le territoire, « il faut donc être vigilant ».
Concernant la fermeture, « par l’Etat », de la frontière durant un mois et demi, cela « n’a pas permis d’enrayer significativement la dissémination de l’épidémie dans la partie française de Saint-Martin. Cette décision était devenue, au fil du temps, une contrainte insupportable et, finalement, peu efficace ». Et d’affirmer que, « de toute évidence, la crise sociale, identitaire et politique nous guettait… »
La réouverture de la frontière, le 16 Septembre dernier, a donc constitué une mesure de « bon sens », assure Daniel Gibbs, « on ne peut que s’en féliciter ». Mais ce dernier veut insister sur un point, « certains ont voulu opposer nos liens avec Sint Maarten, avec notre appartenance à l’ensemble national. Il aurait donc fallu « choisir », et sans délai ! Sacrifier un pan de notre identité ou une part de notre appartenance. Opter, soit pour Philipsburg et Miami, soit pour Pointe-à-Pitre et Paris… Cette vision est réductrice et dangereuse. Il ne saurait y avoir de « victoire » d’une certaine idée de Saint-Martin contre une autre… »
« Comme je le dis souvent, « il faut marcher sur ses deux jambes ». Marcher sur ses deux jambes, c’est, Sint-Maarten et la dimension caribéenne des Leeward Islands, ouverte sur la Floride, et, en même temps, c’est notre République et les liens avec les collectivités françaises d’Amérique, et notamment la Guadeloupe. L’un et l’autre, pas l’un sans l’autre. Encore moins, l’un contre l’autre. »
Suite à l’arrêt des contrôles, « bienvenu et inéluctable, de la frontière franco-néerlandaise », Daniel Gibbs considère que « les autorités locales de l’Etat ont pris, sans tarder, des mesures de restriction, que l’on pourrait même qualifier de mesures de rétorsion ».
Et de signaler le plafonnement du nombre quotidien de passagers aériens entre la Guadeloupe et les îles du Nord à 200, depuis le lundi 21 septembre, « et ce, jusqu’à une date indéterminée. Comme si nous devions subir, sans espoir et sans murmures, une crise et des restrictions sans fin. Sauf à penser qu’on nous protège de la Guadeloupe, où l’épidémie prospère, sans oser le reconnaître ? ».
Mais le Président Gibbs est plus que jamais, persuadé « que nous devons tout faire pour éviter de nouvelles mesures de contrôle des déplacements aériens entre Saint-Martin et la Guadeloupe, d’une part, et entre Saint-Martin et la France hexagonale, d’autre part. Attention à ne pas mettre Saint-Martin « sous cloche »…
Notre économie, déjà sévèrement impactée par deux mois de confinement, par une saison touristique de Staycation régional annihilée par la médiatisation injustement culpabilisante faite sur l’ile Saint-Martin, que l’on accusait de rendre malade, au lieu de choisir la position bien plus saine de faire réellement le travail de sensibilisation et de responsabilisation nécessaire en temps d’épidémie. Bref… notre économie ne s’en remettrait pas ».
Et d’insister « solennellement (…) toutes nouvelles restrictions, et a fortiori, tout nouveau confinement, auraient un effet récessif tel qu’un effondrement économique et social deviendrait inévitable, sans un soutien public massif (…) je veux aussi éviter de nouvelles restrictions des libertés publiques ».
Car, pour Daniel Gibbs, « si des conflits armés peuvent justifier un état de siège, ainsi que des restrictions exceptionnelles des libertés publiques qui fondent notre pacte républicain, nous n’en sommes pas là. Nous ne sommes pas en guerre, nous luttons contre une épidémie… ».
Le Président estime qu’il convient, « dans le rigoureux respect des mesures sanitaires requises et strictement nécessaires à la lutte contre l’épidémie, d’offrir, à la fois, des motifs d’espoir à la population, et notamment à la jeunesse saint-martinoise, et des perspectives aux acteurs économiques du territoire. Il faut, en effet, donner, d’une part, de la visibilité à nos socioprofessionnels, qui investissent et créent de l’emploi dans des conditions ô combien difficiles. Et à qui je veux rendre hommage ».
Daniel Gibbs reconnait que le gouvernement français a mis en place des outils « spécifiques et pertinents » pour aider les entreprises, mais « seul un retour à une activité touristique décente permettra, à l’économie saint-martinoise en général, et au secteur touristique en particulier, de conforter sa résilience, puis de prospérer durablement ».
« Même si un timide retour de la clientèle hexagonale et européenne depuis le 10 Juillet dernier a permis une relance substantielle de l’activité au niveau des hôtels et des restaurants, la rentabilité et la pérennité des établissements touristiques saint-martinois ne pourront être véritablement garanties, sans le retour rapide et durable d’une clientèle nord-américaine à fort pouvoir d’achat (…) il convient, dès lors, de prévoir une ouverture de Saint-Martin aux visites d’agrément au 1er novembre 2020 ». Une date, bien sur, tributaire de la situation épidémiologique au niveau local et régional.
Le chef de l’Exécutif estime que « la gestion par la peur est contre-productive. La société saint-martinoise, comme la société française dans son ensemble au demeurant, est actuellement en tension, à la limite de la crise de nerfs. Beaucoup de citoyens s’affolent ou au contraire, écœurés et découragés, se détournent des nécessaires et salvateurs « gestes barrière ». La majorité des ultra-marins, hélas, ne fait plus confiance à des discours officiels bien trop souvent synonymes de culpabilisation moralisatrice, voire d’insupportable infantilisation ».
Tout en assurant que, « aujourd’hui comme hier, cette crise doit nous unir et nous responsabiliser, pas nous diviser. Ni, encore moins, nous asservir. Je veux vraiment insister sur un point, dans les Outre-mer en général et à Saint-Martin en particulier, il ne saurait y avoir de « punition collective ». Car on fait encore jouer le mauvais rôle à Saint-Martin dans la crise sanitaire actuelle, en focalisant l’attention des médias sur la situation de notre territoire. Saint-Martin, à l’instar d’autres collectivités « mal aimées » comme Marseille, dont je salue la pugnacité des élus, ne doit être ni un bouc-émissaire, ni un faire-valoir. Le Saint-Martin bashing, ça suffit ! D’autant plus que nous ne demandons pas l’impossible… ».
« La COM de Saint-Martin attend juste de l’Etat en général, et de l’ARS en particulier, des moyens renforcés pour notre centre hospitalier, tant en matière d’équipements, qu’en termes de personnels supplémentaires. Quitte à utiliser optimalement les dispositions du Décret n°2020-377 du 31 Mars 2020, les fameux « médecins cubains », comme je l’ai demandé au Ministère des Outre-mer, dès le 14 avril dernier, puis encore le 17 Août. Sans réponse à ce jour ».
Par ailleurs, Daniel Gibbs considère qu’il faut « vraiment arrêter de culpabiliser nos jeunes, mais plutôt leur apporter un cadre sanitaire rassurant. Pour vous parler franchement, je m’inquiète particulièrement de leur taux de chômage ! En effet, au 30 Juin 2020, on comptabilise, à Saint-Martin, 500 demandeurs d’emploi en catégorie A de moins de 25 ans, chiffre en hausse de 25 % sur trois mois. Concernant les jeunes Saint-Martinois, je suis donc surtout inquiet d’une « deuxième vague » de chômage, de précarité et de misère ! ».
Pour lutter contre cette situation, la Collectivité va mettre en place un dispositif spécifique et innovant pour mieux défendre et promouvoir l’emploi local.
SMBN